Éduquer pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles
Face aux comportements déplacés que subissent les femmes, encore aujourd’hui, en France des solutions ont dû être trouvées. Certaines au niveau national, tandis que d’autres plus locales sont mises en œuvre par des associations comme Les Mariannes du Nord et favorisent l’éducation et la prévention.
Une grande partie des femmes ont peur lorsqu’elles rentrent chez elles, seules. Ce sentiment est causé par des remarques et des comportements déplacés dans la rue ou les transports en commun. Ils prennent la forme d’invectives, d’insultes et parfois même d’attouchements. Au sein des grandes villes, comme Lille, ces attitudes sont particulièrement fréquentes. Tandis que des mesures sont prises au niveau national, pour lutter contre ce phénomène, des associations sensibilisent jeunes et moins jeunes.
Une ampleur nationale
Malgré une prise de conscience générale et une lutte de plus en plus forte contre le harcèlement de rue et les outrages sexistes, ces problématiques restent centrales. Véronique Leys, présidente de l’association Les Mariannes du Nord, le souligne : « Les demandes d’intervention sont de plus en plus nombreuses et sur des publics aussi très différents. » Le nombre de femmes qui y sont sujettes est non négligeable. Selon un sondage de l’IFOP, il est même en augmentation depuis 2000. À Lille, la police a constaté 44 outrages sexistes en un an. Il ne s‘agit que des situations ayant fait l’objet de plaintes ou de prises en flagrant délit par la police. La dépôt de plainte est assez rare en cas de harcèlement de rue, ces situations sont donc bien plus nombreuses.
Véronique Leys, au centre de la photographie, présidente de l’association Les Mariannes du Nord, lors d’une conférence donnée à la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Lille
IFOP, 2018 : 80% nombre de femmes ayant déjà “été confrontées à au moins une forme d’atteinte ou d’agression sexuelle dans la rue ou les transports en commun.”
L’association Les Mariannes du Nord en atelier sensibilisation sur le harcèlement avec des 1ères du Lycée Jean-Baptiste de la Salle en 2018
En réponse à ces chiffres, une loi d’août 2018 a créé l’infraction d’“outrage sexiste”, considérant que ces agressions constituent des atteintes à la liberté et à la dignité. Cette nouvelle infraction est passible d’une amende de 750€ et davantage en cas de récidive. La création d’une nouvelle législation au-delà d’avoir un aspect dissuasif par la mise en place de peines, permet de faire prendre conscience à certains de l’importance du phénomène. Ces nouvelles mesures « vont dans le bon sens » estime Véronique Leys, présidente de l’association Les Mariannes du Nord, tout en regrettant parfois un « manque de synergie entre les différents acteurs ».
« Se construire en citoyens »
L’association les Mariannes du Nord, créée en 2011, cherche à sensibiliser les jeunes aux sujets du harcèlement et des comportements sexistes. Leur but est de les pousser à la réflexion sur leurs comportements, les droits et devoirs et la mise en pratique des valeurs républicaines. Pour sa présidente, l’éducation est une solution particulièrement importante. C’est elle qui permet de « se construire en citoyens libres, responsables et respectueux de l’autre » et d’aboutir à une société où l’égalité de chacun serait garantie. Cela sera permis grâce à une meilleure prise de conscience sur de nombreux sujets comme les questions liées au consentement. En effet, lors d’un outrage sexiste, même verbal, le consentement manque. C’est cette notion qui différencie, dans les cas les moins graves, le harcèlement de la drague.
Diversification des ateliers
Cette prévention a lieu, à travers divers ateliers, au sein de collèges, de lycées, ou de conférences hors du cadre scolaire. Le caractère associatif de l’intervenant permet une « libération de la parole », le sujet étant abordé “sur un plan moins scolaire”. Ainsi il est possible de davantage répondre aux interrogations et aux problématiques des jeunes.
Atelier sur l’égalité à ID Formation auprès d’adultes en formation en 2019
Ces ateliers prennent aussi des formes assez ludiques et originales. Par exemple, un jeu sur le harcèlement a été créé, au sein d’un lycée, des ciné-débats sont organisés, le prochain ayant lieu le 24 novembre… Les Mariannes du Nord ont aussi organisé une conférence avec le FNAUT et Transpole (devenus ILEVIA). 87% des usagères de transport en commun déclarant avoir été soumises à des agressions à caractère sexuel lors de leurs trajets.
Côme Porteu
Trois questions à… Diariata N’Diaye
Nous avons eu l’opportunité d’interviewer Diariata N’Diaye la créatrice d’App’Elles.
Pourquoi avoir créé App’Elles ?
Le but était de passer à une autre échelle. Le message que l’on entend souvent est “vous n’êtes pas seules“, mais dans les faits on l’est un peu quand même. L’idée était de matérialiser cette aide, de créer une application qui aide tout le monde afin de répondre aux différentes situations auxquelles peuvent être confrontées les femmes.
Nous ne sommes pas idiots, on sait que cette application ne fera pas diminuer le nombre d’agressions que les femmes peuvent subir. Mais nous partons du postulat que ces violences sexistes et sexuelles existent, que le harcèlement de rue existe et l’idée de notre application et d’accompagner le plus rapidement possible ces victimes.
Avez-vous déjà eu des retours de femmes qui utilisent App’Elles ?
On a énormément de retour de personnes qui ressortent rassurées depuis qu’elles ont App’Elles. Elles n’ont pas forcément eu besoin de s’en servir mais c’est juste de savoir qu’elles ne sont pas seules et que si elles leur arrivent quelque chose elles peuvent le signaler. De l’autre côté, nous avons aussi eu des retours de personnes qui ont dû enclencher l’alerte, qui ont eu des interventions de la police.
Quels sont les autres moyens d’aider ces femmes ?
Ce qui est frustrant c’est qu’un grand nombre de professionnels existent et sont là pour nous aider mais ces personnes sont sous-sollicités car ils ne sont pas connus du grand public. L’objectif de l’application est donc d’offrir une aide précieuse aux femmes.
Malo Perpoil