Lutter contre le gaspillage pour aider les plus démunis, le combat des Frigos Solidaires
Grand fléau de notre société, le gaspillage alimentaire laisse les plus démunis dans l’oubli. Les Frigos Solidaires, association créée en 2017, tentent de lutter contre cette aberration grâce à des réfrigérateurs en libre-service disposés dans tout l’Hexagone.
Rue Roger Salengro, à quelques pas du métro Square Flandres à Hellemmes, se dresse l’un des huit Frigos Solidaires de la métropole lilloise. Réfrigérateur “petit gabarit”, il voit passer chaque jour des milliers de piétons. De temps en temps, au milieu de ce vacarme, il ouvre ses portes et accueille des oranges ou encore un sachet de riz offerts par un passant. Des dons alimentaires, qui permettront, quelques heures plus tard, de nourrir un nouveau passant dans le besoin.
La solidarité en mot d'ordre
Après avoir vécu un an à Londres, où de nombreux réfrigérateurs communautaires sont mis en place, Dounia Mebtoul, jeune restauratrice dans le 18ème arrondissement de Paris et présidente de l’association Les Frigos Solidaires, décide d’importer cette idée en France. Le concept est simple : des frigos sont placés devant certains commerces et permettent aux commerçants et aux habitants du quartier d’y déposer leurs invendus ou leur nourriture non-consommée. Cela profite aux personnes en difficultés pouvant venir se servir librement : « On voit beaucoup d’étudiants, de familles nombreuses, et de gens qui ont perdu leur travail », souligne Dounia. Aujourd’hui Les Frigos Solidaires sont présents dans une trentaine de villes en France (Lille, Arras ou encore Dunkerque dans les Hauts-de-France).
Le projet a également permis de développer d’autres vertus : « On s’est rendu compte que les frigos ont permis de créer du lien social et favorisent l’espace public », confie la jeune restauratrice parisienne. Commerçants, habitants du quartier, mairie, le projet permet de rassembler. Cela favorise les rencontres et les échanges : « On a des porteurs de projets, des citoyens qui vont démarcher les commerçants ou les mairies pour installer les frigos solidaires. » Des échanges qui permettent aussi à l’association de survivre. Alors qu’au départ elle fonctionnait uniquement sur du financement participatif renforçant le côté humain, l’association peut aujourd’hui compter sur l’appui de certaines mairies. Ces dernières offrent des aides financières en débloquant les budgets alloués aux initiatives d’intérêts publics.
Le fait de laisser les frigos en libre-service, la surveillance doit être de mise. « C’est le commerçant ou la structure associative qui accueille le frigo qui est chargé de vérifier les denrées, relever les températures, rentrer le frigo sur les horaires de fermeture etc. Tout est fixé dans une convention de partenariat. » Certes, il peut parfois y avoir quelques débordements, comme le confie Didier Le Pallac, restaurateur propriétaire d’un réfrigérateur à Hellemmes, au Polder : « Nous avons eu un vol du frigo, et parfois certaines personnes prennent tout ce qu’il y a à l’intérieur. Mais globalement, ça se passe bien. » Les habitants du quartier n’hésitent pas à remplir le réfrigérateur à l’heure des courses, assure le commerçant.
Des Frigos à l'épreuve de la Covid
Une initiative solidaire confrontée, elle aussi, à la crise sanitaire. Dounia regrette : « Malheureusement certains commerces ont dû fermer, entraînant avec eux la fermeture de leur frigo. » Malgré cela, « pour les frigos qui sont restés en place, tous les commerçants ont démontré une augmentation du nombre de bénéficiaires qui a souvent doublé voire triplé ! »
En France, outre les Frigos Solidaires, d’autres initiatives ont déjà vu le jour comme l’application Too Good to Go ou encore les cantines Zéro Gaspi pour lutter contre le gaspillage alimentaire. Mais la précarité alimentaire touche aujourd’hui de plus en plus de monde. C’est pourquoi, afin de permettre à chaque personne dans le besoin de bénéficier d’aides alimentaires, l’association des Frigos Solidaires espère continuer à se développer et étendre son influence dans le pays.
Mathis Charrieau
Des frigos par tous et pour tous
En 2018, la ville de Lille lance son premier budget participatif. Ce 1,5 million d’euros alloué par la mairie est censé permettre aux Lillois, Hellemmois et Lommois de proposer des idées qu’ils aimeraient voir mises en œuvre, puis de voter pour celles qu’ils estiment prioritaires. Après un avis du jury citoyen, les projets réalisables ayant le plus de votes sont financés et réalisés par la mairie.
Les jeunes élus du Conseil municipal d’enfants (CME) ont ainsi saisi l’occasion pour présenter un projet qui leur tenait à cœur : l’installation d’un frigo solidaire dans chaque quartier de Lille, à Hellemmes et à Lomme, à destination des personnes les plus démunies.
Lors du vote populaire, ce projet évoqué par ces enfants de 9 à 12 ans a été plébiscité par tous les habitants. Le projet d’instauration des Frigos Solidaires est même arrivé en tête des votes parmi les 271 projets retenus par la mairie pour le budget participatif de 2018.
Le projet consistait alors à « installer 12 frigos en libre-service pour permettre aux plus démunis de se nourrir et éviter le gaspillage alimentaire. Ces frigos seront remplis par le voisinage, les commerçants ou les restaurateurs. » Le budget alloué par la mairie était alors de 15 600€, le plus petit budget parmi les 18 projets également retenus mais suffisant pour 12 réfrigérateurs.
Par rapport aux autres villes, où les frigos sont à l’extérieur des restaurants, la municipalité de Lille a souhaité en installer dans des structures associatives, même si certains sont installés proche de restaurants. Le but étant que les frigos soient au centre d’une chaîne sociale et qu’ils permettent notamment d’assurer le suivi de personnes dans le besoin.
Jules Bourgat