Sans poumon vert, comment Lille se végétalise-t-elle
Après avoir essuyé un échec lors de sa candidature au titre de Capitale verte de l’Europe en 2019, Lille porte désormais la réputation d’une ville aux espaces verts insuffisants. Pourtant, trois ans plus tard, les projets écocitoyens se multiplient pour faire bourgeonner les quartiers de la métropole. Associations, services municipaux et citoyens s’unissent pour amener un bout de nature dans leur quotidien bétonné.
A l’arrivée du printemps, profiter des espaces verts est une option agréable pour bon nombre de Lillois. Mais lorsqu’il en vient au choix du parc dans lequel passer son dimanche après-midi, peu d’options semblent être offertes. Entre le parc Jean-Baptiste Lebas en cruel manque de végétation, et une Citadelle bondée, le coin de verdure tant attendu s’avère ne pas être au rendez-vous dominical. La MEL se targuait pourtant dans une campagne de communication de 2019 d’afficher 80 parcs à son actif. Mais après vérification, la plupart des espaces verts proclamés par la Métropole n’étaient en fait que de petits squares sans nature abondante.
La végétalisation de la ville est ainsi en proie aux conflits entre les élus. Les politiques se déchirent sur les questions d’aménagement du territoire, et la friche Saint Sauveur est une véritable pomme de discorde. Le projet de la ville de créer plus de 2000 logements, un parc et une piscine olympique sur ce site est contesté par l’association P.A.R.C qui voit sur ce terrain le potentiel poumon vert dont la ville manque. En plus d’avancer les bienfaits que ce projet aurait contre la pollution, le bien être des lillois est aussi en cause.
Trouver du vert au cœur de la ville, le défi lillois
Ce bien être, certains l’ont trouvé au jardin écologique du Vieux-Lille. A travers un petit sentier, les habitants viennent se ressourcer, tandis que les bénévoles s’activent autour du potager et du compost participatif. A mesure que l’on s’éloigne de l’entrée du jardin, animée par de nombreuses activités botaniques, la nature s’ouvre. Coincée entre le bâtiment en briques de l’armée et le vacarme de la nationale, impossible pourtant d’oublier trop longtemps la ville. Mais avec sa rivière et ses deux hectares et demi de bois, cette ancienne friche ne manque pas d’offrir un bout de nature à ceux qui se seraient lassés des pavés et du bitume.
Cet espace vert méconnu d’un grand nombre de Lillois est géré par deux associations écologistes.
Lisière(s), gagnante de l’appel à projet de la mairie, offre la possibilité aux Lillois de savourer une nature proliférante au cœur même de la ville, accompagné par l’association Des jardins et des hommes, proposant le compost des déchets.
Plus qu’une simple balade dans un parc taillé de près, les participants sont ici invités à renouer avec la nature afin de mieux la comprendre. Pour Pierre, membre de l’association, « ce jardin écologique permet de créer un véritable lien social entre les habitants, et de partager quelque chose autour de la nature ». Les bénévoles proposent ainsi de distribuer les rendements du potager entre les habitants venus aider, entretenu avec l’aide d’un jardinier professionnel. Les volontaires entretiennent et rendent le site praticable, tout en laissant la nature suivre son cours. La philosophie du lieu est en effet le respect de l’environnement et de son rythme. « On ouvre seulement le dimanche, pour permettre à la nature de respirer le reste de la semaine, et on pratique la permaculture. » Mais pour l’association, il faut savoir garder les pieds sur terre, surtout quand cette terre en plein cœur de ville est aussi polluée. « On a de la chance d’avoir une friche qui n’était pas urbanisée, mais de nombreux déchets ont été déversés ici et ont pollué les sols. On doit faire attention, alors on fait pousser les plantations dans des bacs hors sols », rappelle Pierre. Ainsi, avec un peu d’inventivité face aux enjeux imposés par la ville, il semblerait que de la balade dominicale jusqu’à l’assiette, la nature prenne peu à peu sa place dans les modes de vie urbains.
Marie-Camille Chauvet
Photos de Sarah Coudert
Zoom : Une végétalisation locale dans les assiettes.
En plein cœur des villes, les produits locaux se font une place parmi les produits exportés. Au sein de la métropole lilloise, que ce soit au Fruits de la Terre, au Petit Fermier, à la Ferme en Ville, ou encore au marché de Wazemmes, les fruits et légumes locaux surplombent les étalages. Ramener un brin de campagne en ville s’effectue aussi par le biais de produits dans les assiettes.
A Elbeuf, ville située en Normandie, le magasin Les Robins des Bio propose des produits locaux. Fanny, vendeuse, explique que le magasin, « s’inscrit au maximum dans le circuit court en s’approvisionnant avec des producteurs locaux en Haute et en Basse-Normandie ». Manger des produits locaux, c’est d’abord savoir d’où viennent ces fruits et légumes et connaître la manière dont ils ont été cultivés. Ne serait-ce pas alors un moyen de renouer des liens avec la nature, liens affaiblis par manque de temps ou passe-temps autre qu’une balade en forêt ?
Retisser des liens avec les produits issus de la campagne peut rappeler certains souvenirs – un bon plat de nos grands-parents -, mais permet aussi de soutenir l’économie locale. A leur tour les producteurs nous font découvrir ou redécouvrir des saveurs bien souvent oubliées. Julien, maraîcher biologique présent sur le marché de Neubourg, fait connaître ses produits dans divers marchés en Normandie. Pour lui, ses produits sont de saison. « Je ne présente pas un grand choix de variétés, mais je propose de la qualité. » Manger de saison, c’est aider individuellement à préserver l’environnement mais cela apporte aussi des bienfaits puisque les nutriments des produits ne sont pas altérés. Pour Julien, « c’est important de faire connaître mes fruits et légumes dans des Associations pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne puisque mes produits quittent mon exploitation et vont directement dans les mains des clients ». Son mot d’ordre, « le local participe au bien-être ».
Claire Deregnieaux
Vidéo réalisée par Alice Mouillet