Quand l’habitat participatif réunit l’ours et l’oiseau
Posted On 16 février 2022
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Rue Léon Gambetta, 17h30. La consultante se glisse dans le salon de thé Richesses des Andes. Le parfum de son thé choisi, elle s’installe au fond de la salle. « Je connais la gérante, on s’est rencontrées à un événement d’une asso qui accompagne les femmes créatrices d’entreprise. Elle est franco-péruvienne. » Cette dernière allume la lumière et approche le radiateur de notre table. « Avec la verrière, l’hiver, on a du mal à se réchauffer ! » La pièce s’éclaire et un énorme lama surgit en arrière-plan.
Souriante, Mathilde se lance. « Dans une démarche écologique, on ne souhaite pas reperméabiliser les sols. Nous voulons trouver un projet urbain, peut-être un entrepôt ou un hangar, puis le transformer à notre image. » Leur image, c’est le vivre-ensemble, l’écologie, la solidarité et la sobriété. « Nous ne voulons pas d’un endroit rempli de gadgets, de trucs connectés ! »
“Ce mode de vie nous prépare à la décroissance, à consommer autrement.”
Ce lieu sera un berceau de bien-être et de convivialité. Il inculquera aussi à ses propriétaires une forme de résilience face aux défis écologiques et sociaux. « Ce mode de vie nous prépare à la décroissance, à consommer autrement. » Le partage systématique des tâches et des objets rarement utilisés (tondeuse, machine à laver, chambre d’amis…) permet effectivement de réduire notre impact environnemental. Une étude conduite par l’Agence de la transition écologique (ADEME) révèle qu’en France, 45 tonnes de matières premières sont en moyenne mobilisées pour fabriquer l’ensemble des équipements présents dans une maison.
Les expériences de vivre-ensemble de Mathilde sont multiples. « J’ai de bons et de mauvais souvenirs. Par exemple, être en coloc à Paris avec une amie de longue date n’a rien à voir avec vivre en Namibie avec neuf personnes ! »
Effectivement, elle grandit dans l’Aisne et dans l’Oise puis suit une licence en langues étrangères appliquées. Erasmus à Dublin, cours par correspondance et fille au pair outre-Rhin, Mathilde a la bougeotte. Son diplôme de Sciences Po Strasbourg et Bordeaux décroché, elle s’envole pour Djibouti. Elle y fera de l’humanitaire.
L’effusion de la vie à l’étranger lui plaît. Tant mieux : la Namibie et la Guinée Bissau seront ses deux destinations suivantes. Elle vivra souvent entourée car, « dans une vie d’expatriée, la colocation est comme une famille ».
À l’aube de ses 34 ans, Mathilde désire un cocon personnel. « J’ai vécu seule, à Lille, pendant sept ans. Ça m’a fait du bien d’acheter mon appartement, de pouvoir le décorer comme je le souhaitais. Mais ce n’est pas pareil. On ne peut pas raconter sa journée en rentrant, parler des petits trucs qui nous sont arrivés sur le chemin. À la fin, c’est pesant. » L’habitat participatif lui permettrait donc de mener une vie avec un sens plus large du collectif. La micro-société de Mathilde sera ouverte sur le quartier, prête à accueillir des associations, des AMAP. Sans pour autant sacrifier ce besoin d’intimité qui lui est si cher : « Dans notre habitat, on veut aussi pouvoir faire l’ours pendant trois semaines ! »
Son thé presque fini, elle attrape l’alfajor posé sur l’assiette puis me confie qu’elle n’a pas encore eu de coup de cœur. « Certains endroits nous inspirent, mais les normes d’urbanisme sont contraignantes. On ne peut pas faire de fenêtre côté sud si ça donne sur un jardin. » Alors, la globe-trotteuse se balade et ouvre les yeux. En quête de la perle rare qui tombera des cieux !
Elena Vedere
Rencontre de Marc et Sophie, propriétaires de l’habitat participatif “Les Voisins du Quai” dans le quartier lillois de Bois Blancs.
Fanette Marwitz
L’habitat participatif fait mouche chez les architectes : “Quand on a mis notre annonce, on a dû trier entre 27 cabinets différents !”, nous a confié avec stupéfaction Sophie, à l’origine du projet lillois des “Voisins du Quai”.
L’habitat participatif est actuellement dans une phase déterminante de son développement. Pour l’instant peu répandu en France, soit le concept décollera en flèche ; soit il restera une expérience de petite échelle. C’est pourquoi pour les architectes, il y a un enjeu à la fois risqué et potentiellement prometteur.
C’est une mission innovante avec d’un côté, un challenge de diversité dans l’unité et de cohésion entre les différents désirs des futurs ménages. Mais c’est aussi une coopération avec les divers partenaires, beaucoup plus nombreux que dans la production d’un habitat traditionnel. Tandis que d’un autre côté, c’est toute une dimension de nouveautés techniques liées à l’engagement écologique qui apparaissent ; et ce, tout en construisant un espace qui correspond à un mode de vie de solidarité, d’échange et de partage.
La majorité des architectes qui s’engagent dans ces projets ont un profil de type “militant” : leur investissement, surtout en termes de temps, est bien plus important pour ce type de projet que pour une opération classique.
En adoptant un rôle plus polyvalent, ils s’engagent dans une collaboration collective parfois déstructurée, ce qui amène à des méthodes de travail différentes, comme par exemple en participant à l’aspect administratif du dossier.
De ce fait, il paraît encore aujourd’hui complexe de faire valoir, dans le monde de l’architecture, une méthode de production hétéronome, dans laquelle l’habitant, le contexte et les éventualités aient un rôle explicitement défini.
Lisa Seyvet
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