Du divertissement à la thérapie, l’ASMR détend, soigne et sociabilise
À sa popularisation sur les plateformes de vidéo en ligne au début des années 2010, d’aucuns crurent à une énième tendance éphémère. Dix ans plus tard, l’ASMR est toujours plébiscitée par de nombreux utilisateurs. Si pour certains, sa consommation n’est qu’un simple passe-temps ; d’autres lui trouvent des vertus apaisantes et l’emploient comme remède à l’anxiété.
Émietter des biscottes, vaporiser de l’eau ou encore susurrer des paroles douces, tout cela à proximité immédiate d’un micro : bienvenue dans le monde énigmatique et relaxant de l’ASMR. Quatre lettres pour « Autonomous sensory meridian response », synonymes de détente, de plaisir intense, voire « d’orgasme cérébral ». Alors que pour les sceptiques, l’écoute de bruits de bouche et autres chuchotements intimistes relève de l’absurde, les adeptes de l’ASMR, de plus en plus nombreux, voient en ce contenu une manière naturelle de trouver la paix intérieure et de favoriser l’endormissement. D’après une étude publiée en 2015 par deux psychologues dans la revue scientifique américaine PeerJ : l’ASMR permet à 82 % de ses consommateurs de trouver le sommeil. Clara, étudiante, utilise régulièrement cette méthode à l’heure du coucher. En proie à des difficultés pour s’endormir, elle a tout essayé : homéopathie, trop peu efficace ; somnifères, une solution radicale et inadaptée selon elle. Mais à présent, ses nuits sont beaucoup plus calmes : « L’ASMR, c’est un repère qui permet à mon cerveau de ne pas partir dans tous les sens, un peu comme une berceuse, cela me ramène à l’enfance. »
Des effets anti-dépresseurs et anti-douleurs
Concrètement, le bien-être que procure l’ASMR à ses aficionados se caractérise par une sensation de picotement au niveau du cuir chevelu et de la nuque : une réponse autonome des méridiens sensoriels à la stimulation auditive. Par-delà le sentiment de relaxation, cette pratique présenterait également de réels effets anti-dépresseurs et anti-douleurs : le neurologue Pierre Lemarquis justifie ces bienfaits par la sécrétion de dopamines, des « hormones du bonheur ».
Aussi, l’écoute d’ASMR pourrait, toujours selon Pierre Lemarquis, faire diminuer la consommation d’anxiolytiques des personnes fragiles, à condition qu’elles soient réceptives. Une méthode douce pour se substituer aux médicaments utilisés dans le traitement de la dépression, dont la consommation a augmenté significativement ces derniers mois, selon Santé publique France. En effet, les confinements à répétition engendrés par la pandémie ont eu une incidence notable sur la santé mentale. Cependant, tous les individus ne sont pas égaux face à cette expérience : quand les uns iront jusqu’à atteindre l’extase sensoriel, d’autres resteront complètement insensibles.
Une « présence maternelle » pour rompre l’isolement social
Quant à la question de l’accès à l’ASMR, la réponse est simple : les contenus gratuits pullulent sur internet. De YouTube à DailyMotion en passant par Deezer, les créateurs sont nombreux et proposent une palette variée de mises en scène. Pour « Moon », créatrice d’ASMR lilloise depuis neuf ans, « Beaucoup de gens seuls l’écoutent pour avoir une présence, presque maternelle, pour aller mieux. » Attention cependant, la jeune femme tient à éviter toute confusion : « J’indique systématiquement que je ne suis pas médecin : je ne suis qu’une créatrice de contenu, ma mission est d’apporter du bien-être. » Ajouté à cela, « Moon » met en garde face à la trop grande proximité qui peut se tisser entre elle et ses abonnés : « Les gens peuvent s’imaginer que je leur parle à eux spécifiquement et commencer à s’imaginer une relation avec moi. »
Des scientifiques du Centre américain pour les informations biotechnologiques se sont penchés sur ce point précis : leurs travaux démontrent que l’ASMR est susceptible, chez les sujets réactifs, d’activer les voies neurologiques impliquées dans les rapports socio-émotionnels. En pratique, lesdits sujets pourraient se sentir mieux connectés aux autres : preuve qu’en plus de ses qualités apaisantes, l’ASMR est devenue un moyen de faciliter nos rapports sociaux !
Robin Le Cornec
Deux approches complémentaires de l’ASMR en vidéo
Et en sophrologie, on en pense quoi ?
La sophrologie est une technique de relaxation qui peut avoir un but thérapeutique. Pour pratiquer cette méthode, il est possible de réaliser des exercices de réflexion et de relâchement du corps.
Anne-Marie Tourelle, sophrologue lilloise s’inspire de vidéos ASMR dans sa pratique professionnelle. Elle n’est pas spécialisée dans ce domaine mais trouve cela enrichissant pour ses séances. La praticienne utilise, par exemple, un texte lu au patient en fonction de son histoire, il est travaillé de différentes manières afin de l’aider dans sa thérapie. Il y a aussi des exercices de respiration qui viennent compléter sa session de sophrologie. Pour elle, cette pratique « est en pleine expansion, notamment auprès des personnes qui ont des phobies ». Bien que l’ASMR ne soit pas encore un usage encouragé dans le monde médical, pour cette diplômée en sophrologie et hypnothérapie cela peut être un « moyen de reconnecter avec le corps et de lâcher prise avec le mental ». À la question d’utiliser des méthodes d’ASMR à la place de la médication, Anne-Marie Tourelle ne répond pas totalement par la positive, ça « peut être un accompagnement mais pas une substitution ». Le médecin référant a la possibilité de diminuer les doses grâce à ces techniques mais l’arrêt brutal pourrait être dangereux. Pour ce qui touche à la pratique, il n’y a pas que des adeptes. Selon la sophrologue « ça dépend de chaque personne, du sens le plus développé chez elle », pour certaines personnes cela peut être agaçant comme pour d’autres rassurant et apaisant, les « 5 sens peuvent être moins développés » ce qui entraîne une sensibilité différente. Pour la professionnelle de santé, il faudrait aller voir des écoles ou des maisons de retraites afin de sensibiliser la population à ces techniques car « tout le monde peut être concerné ».
Célia Bouriez