Une première victoire pour la nature sauvage de la friche Saint-Sauveur
Le 7 octobre 2022, le conseil de la métropole européenne de Lille (MEL) finalise le projet d’aménagement urbain de la friche Saint-Sauveur. Elle abandonne notamment la construction d’une fosse de plongée de 42,5 mètres de profondeur. Pour l’association P.A.R.C, c’est une première victoire.
La nature a repris ses droits sur Saint-Sauveur. Seule trace de l’activité humaine sur le terrain : une sculpture en papier mâché dirigée vers la mairie. Symbole de l’opposition entre élus et habitants, elle orne les 23 hectares de nature avec un air de défi.
En 2018, la MEL lance un projet d’urbanisation du territoire, et soutient notamment la construction de 2000 logements, de nouveaux commerces et bureaux et d’une piscine olympique.
Le programme suscite une réaction forte chez certains Lillois, aboutissant à la création d’une association dédiée à lutter à son encontre. C’est Protection Aménagement Réappropriation Collective du site Saint Sauveur et de son Belvédère, ou P.A.R.C.
Contester et proposer une alternative
C’est en contestant juridiquement, par le biais d’une étude approfondie des enquêtes publiques et l’argumentation en tribunal, que l’association vise à mettre un terme au projet de la MEL. Depuis 2018, plusieurs recours portés par P.A.R.C ont été validés par le tribunal, légitimant juridiquement la lutte menée.
Jean-Michel, membre du conseil d’administration de l’association, appuie sur l’importance de faire connaître le combat pour mobiliser la population lilloise. Plusieurs stratégies sont alors employées : l’organisation d’événements culturels, des manifestations contre les décisions prises, tenter de médiatiser les informations, ou encore l’occupation et l’entretien du lieu via des plantations.
Des alternatives aux constructions sont également proposées par le collectif, axées sur le recyclage à la place de la bétonisation. Les bassins prévus sur le complexe nautique pourraient alors être substitués par une rénovation complète de la piscine de Marx Dormoy.
Pour P.A.R.C, le site Saint-Sauveur est le dernier espoir d’un rééquilibrage des espaces verts au sein de la ville.
Une première victoire
Dans la version finale du projet, la MEL abandonne l’idée de créer une fosse de plongée de 42,5 mètres de profondeur. Pour P.A.R.C, cette fosse venait augmenter le bilan «catastrophique» de la consommation d’eau ; son abandon représente alors une première étape.
Une victoire à nuancer d’après Jean-Michel, puisque le reste du projet est maintenu, et pose de nombreux problèmes, à la fois écologiques et sociaux. Les logements prévus vont contribuer à l’augmentation des prix dans le quartier, et aboutir à une gentrification qui ne résoudra pas le besoin de logements sociaux pour les personnes défavorisées.
Malgré ces enjeux, l’activiste insiste sur l’impact et l’importance de l’association : « C’est parce qu’il y a eu les actions au niveau du tribunal administratif, que le projet n’est toujours pas sorti de terre. » Il souligne l’importance du combat écologique local, dans le but d’une amélioration des conditions de vie quotidienne de chacun et chacune. S’ajoute à cela une gratification et des connaissances personnelles sur son propre territoire. « Les associations sont les vrais moteurs d’une transition écologique. »
Karel Bergia
Le projet de la friche Saint Sauveur interroge la démocratie lilloise
Une démocratie contre le peuple ? C’est ce que questionne le projet de la friche Saint Sauveur. La démocratie signifie étymologiquement le pouvoir pour et par le peuple. Néanmoins, en France, la démocratie est aujourd’hui représentative : le peuple n’exerce pas directement le pouvoir mais il élit des représentants qui décident en son nom. Le cas de la friche Saint-Sauveur est révélateur de ce lapsus démocratique.
À l’élection municipale de 2020, La liste de Martine Aubry est arrivée en tête avec 40% des suffrages, 227 voix devant les liste écologiste. Jérémie Crépel, conseiller municipal au sein du groupe Lille Verte explique que « les listes candidates aux municipales étaient contre le projet sauf celle de Martine Aubry ». Il y a donc dès le départ un problème de légitimité du projet.
Pour recueillir les opinions des citoyens, des concertations ont été organisées en 2013, 2014 puis en 2017. La dernière est donc assez ancienne. Pour Julie Nicolas, conseillère municipale au sein du groupe Lille Verte, « la dernière concertation ne permet pas de prendre en compte les évolutions rapides des mentalités sur le sujet du réchauffement climatique, étant donné que les impacts se font ressentir depuis peu en France ». Elle précise que « la mairie ne veut pas admettre qu’il y a besoin de reconcerter, car consciente que la majorité des citoyens s’y opposent ».
L’opposition communale met donc le doigt sur une problématique démocratique, Il serait envisageable de mettre en place des mécanismes de révocation populaires, dans un cas comme celui-ci où l’on agit contre la majorité des Lillois.
Lilian Nowak
Un récap’ utile :
Remontons le fil de l’histoire afin de mieux comprendre le conflit qui entoure le quartier Saint Sauveur aujourd’hui.