Mettre par terre le harcèlement de rue, un message d’espoir pour les Lilloises
Le collectif de Lilloises “La Brigade du respect” combat depuis plusieurs années le harcèlement de rue. De nombreux messages peuvent être aperçus sur les trottoirs de la ville: “Girl ton corps t’appartient”, “me follow pas tu me stresses”, “lâche moi le crop top”. Clara*, membre du collectif, explique l’objectif de ces tags que les Lillois aperçoivent et foulent chaque jour.
Il est 4h du matin, sortie de boîte. C’est la reprise des festivités, la (presque) fin des restrictions et le début d’une année scolaire que tous espèrent “normale”. Soupir de soulagement collectif de la part des Français : c’est le lent retour à la vie d’avant. Le retour des cafés, des cinémas, des bars, des musées, des restaurants. Seulement, pour les femmes, un problème qui s’était fait plutôt discret durant l’hibernation du monde fait son grand retour : le harcèlement de rue. Remarques et gestes déplacés, regards insistants, il n’est pas méconnu que rentrer seule la nuit est une épreuve pour une large partie des femmes.
Le collectif “La Brigade du Respect” combat ce fléau, qui en est un depuis des décennies, en recouvrant les trottoirs de la ville par des messages anti-harcèlement. Créé en 2017 par Zara*, la brigade trouve son inspiration dans la culture street art du Canada alimentée bien plus qu’en France par des messages positifs, des messages d’espoirs.
*tous les noms ont été modifiés
L'ÉDUCATION ET L’EMPOUVOIREMENT : DEUX OBJECTIFS DE LA BRIGADE
Selon Clara : “On fait le travail de prévention que la mairie ne fait pas.” Ce travail de prévention prend deux formes d’après la jeune femme. Dans un premier temps, il se traduit par une volonté d’éduquer les gens, plus spécialement les hommes, au problème du harcèlement de rue. Des messages tels que “Tema où tu marches plutôt que mon cul” s’adressent directement aux harceleurs et peuvent permettre à certains d’ouvrir les yeux. Clara raconte que lors de certaines sessions, des hommes viennent donner leur avis et critiquer le travail du collectif. Néanmoins, elle voit ces interventions comme un bon moyen d’engager le dialogue. Telles de véritables maîtresses d’école, les filles du groupe se retrouvent alors à expliquer le problème des commentaires déplacés faits aux femmes. Faute d’avoir acquis ces connaissances au fil de leur éducation, la rue devient une salle de classe, les tags sont exposés au tableau et les passants prennent des notes.
Le second objectif énoncé par Clara est l’empouvoirement des passantes. C’est une manière de dire “tu n’es pas toute seule” et “ce n’est pas normal“. Marie, étudiante lilloise affirme : “Ça fait du bien, tu rentres toute seule le soir et tu vois “Girl la rue t’appartient”, tu te dis que tu ne devrais pas avoir peur dans la rue, tu es ici chez toi quoi!””. Rendre la rue aux femmes, en faire un lieu sécurisé, c’est l’idéal porté par La Brigade du respect. Lorsqu’elles réalisent leurs tags au pochoir, des femmes plus âgées apportent des remarques positives avec un œil bienveillant. “Quand une femme soutient ce qu’on fait et nous dit qu’elle, à l’époque, elle manifestait pour l’IVG, ça nous fait forcément du bien“, ajoute Clara.
DU MILITANTISME MAIS PAS DU VANDALISME
Pourtant, le collectif est parfois arrêté dans la rue et certains apportent des critiques qualifiant leur démarche de “vandalisme”. “Ce qu’on fait ne peut pas être qualifié de vandalisme“, affirme la jeune femme. Elle apporte trois raisons à cela. D’abord, les tags sont réalisés au sol, ils ne dégradent ainsi pas les bâtiments, les bancs ou les poubelles. De plus, ils sont effaçables “même si un coup de karsher ne suffit pas“. Surtout, le motif est légitime, la cause importante. “Ce n’est pas comme si on écrivait juste nos blazes avec une bombe de peinture“. On parle donc plutôt d’une démarche militante.
Ce militantisme trouve une continuité dans les valeurs qu’elles défendent. Les filles font fabriquer et réutilisent à plusieurs reprises les pochoirs dans une démarche écologique. Au fil des années, elles sont aussi devenues plus inclusives dans la composition du groupe, composé au début essentiellement de femmes blanches cis. Aujourd’hui, elles travaillent avec tout un tas de femmes très différentes les unes des autres et cherchent aussi à sensibiliser à ce sujet, notamment avec le pochoir “Noire, pas black”. Néanmoins, le groupe reste en non mixité choisie. “Nous avons envie que ça reste un espace “safe” où chacune se sent à sa place. Les hommes occupent déjà énormément de place dans l’espace public.”
Le collectif s’engage aussi politiquement, en soutenant différentes causes qui lui tiennent à cœur. Il est possible de retrouver des pochoirs “A Fouad”, élève transgenre d’un lycée lillois qui s’est donné la mort ou encore “Que faire pour que les hommes cessent de violer”, question provoquant la suspension de différents comptes Twitter en janvier dernier. Les réseaux sociaux sont aussi un espace public menaçant pour les femmes: censure, nudes reçus sans consentement, insultes… A quand des tags féministes sur les murs (Facebook) ?
Vous allez faire un grand « Woaw » avec Wawa l’asso.
Partage, audace créative et découvrir l’autre, voici les valeurs qu’essaye de partager Jeannine Fischer, fondatrice de l’association culturelle lilloise, spécialisées dans la conception et la diffusion d’évènements culturels et artistiques, autour des cultures africaines, caribéennes et brésiliennes à Paris, Hauts de France et en Belgique. Cette association à de nombreux objectifs, comme celui de fédérer les gens, les idées, avec un dénominateur commun : la valorisation des cultures de matrice africaines et du métissage culturel ou encore le développement du dialogue interculturel et solidaire. Jeannine Fischer et le collectif de la Brigade du Respect ont travaillé en collaboration lors d’une session tag afin de dénoncer le racisme et l’harcèlement de rue. C’est à partir de cette rencontre et de l’investissement de madame Fischer que le tag « Noire pas black » a vu le jour. Ainsi, Jeannine Fischer ne fait pas que promouvoir les cultures afros, elle lutte aussi contre le harcèlement de rue en s’associant à des collectifs, comme celui de la Brigade du respect et tente de donner une place plus importante à la femme noire dans la société actuelle.
Ainsi, si vous souhaitez découvrir plus en détails les cultures afros, le site wawalasso.fr propose des ateliers divers et variés, comme celui de danse Afro urbaine et Brésilienne.