Laisse tomber les filles, la musique électronique au féminin
“Laisse tomber les filles” est un collectif féminin lillois, créé en 2021, qui défend l’égalité dans le milieu de la musique électronique. Zaatar, VBK et Claire-Marie organisent mensuellement des événements au bar la Griffe, où le line-up – la programmation – est 100% féminin.
L’univers du collectif “Laisse tomber les filles” se résume à une passion pour la musique électronique et l’envie de la démocratiser auprès des femmes. Le collectif a été créé il y a un an et demi, par Marie, plus connue sous le nom de Zaatar, et Eugénie, ou VBK, son nom de DJ. Après leur retour de Berlin, elles se sont “rendu compte que sur les line-up lilloise il n’y avait pas beaucoup de filles.” Ce qui les a surpris puisque le nombre de djs femmes à Berlin, capitale du pays voisin, ne cesse de s’accroître.
“À Berlin en tant que capitale de la musique électronique, le fait que les line-up soient paritaires est hyper important“, raconte Eugénie. La parité était sous-entendue que ce soit dans les festivals, événements ou raves, fêtes en plein air. Ce qui a un effet boule de neige, les filles se voient représentées dans la scène électronique et on envie de se lancer elles aussi. La nouvelle recrue Claire-Marie, chargée de la communication, a rejoint l’équipe en janvier de cette année, après les avoir rencontrées dans un festival de musique électronique où jouait son copain. Leur passion par la musique électronique et la vision partagée qu’elles ont sur la place des femmes dans cette industrie, les a amenées à travailler ensemble. Les connaissances de communication de Claire-Marie ont beaucoup aidé le collectif à se faire connaître dans la région lilloise.
Leur projet a commencé par l’envie d’inventer un espace pour laisser les filles mixer. Leur nom n’est pas anodin, c’est une référence à la chanson de France Gall : “Il fait réfléchir et c’est marrant en même temps” explique Zaatar. Dans un premier temps, il fait référence à la chanson que tout le monde connaît. Il laisse comprendre la lutte menée par ce collectif, la lutte contre la discrimination des femmes et des minorités sexuelles de l’industrie de la musique électronique.
Musique électronique et féminisme
Après le covid, une amie d’Eugénie, qui gère la Griffe, un bar à Lille, lui a demandé d’organiser un événement. Claire-Marie explique : “L’idée des événements est de lancer les débutantes dans un contexte safe et bienveillant.” Les filles s’occupent de l’accueil au public et de la sécurité pour assurer un événement sympa pour tout le monde. Claire-Marie a justement débuté lors de la dernière soirée du collectif, sous le nom de scène Black Saba. Lors de ces événements, trois DJs se partagent l’affiche dans la cave de la Griffe. Le prix est libre à partir de 3 euros. Un tarif symbolique,”accessible à un public précaire [mais assurant] un événement cool et une juste rémunération des DJs“, précise Eugénie. L’originalité du collectif est l’idée de relier un concept à un lieu. Par exemple pour leur résidence à la Gare Saint Sauveur, l’idée sera d’inviter des guests d’autres villes de France, pour créer “un pont entre Lille et Paris, Lyon, Nantes, entre autres” et rendre visible la scène lilloise féminine. Pour l’année prochaine elles préparent plusieurs projets comme des résidences d’artistes et des soirées au bar lillois la Canopée, en parité.
Les fondatrices du collectif s’accordent pour dire qu’en tant que fille, “tu dois travailler le double, et subir des jugements, surtout dans les métiers techniques“. Les femmes doivent montrer ce dont elles sont capables pour gagner de la légitimité dans un milieu dominé par les hommes. Un métier qui, vu son approche technique et l’utilisation de machines comme les synthétiseurs, a toujours été vu comme un métier d’homme. Parmi les pionnières de la musique électronique, il y a des femmes comme Suzanne Ciani, mais leur manque de reconnaissance les a effacées face aux artistes masculins.
Et à Lille
Les filles estiment que le côté club de la scène électro lilloise est assez masculin. Pour les festivals subventionnés, il y a de plus en plus de parité, mais celle-ci soulève des questions. “Parfois tu te poses la question si c’est une affaire de parité ou parce que ton travail plaît“, fait remarquer Eugénie. Zaatar parle d’ailleurs sur cela d’une parité “imposée”. Ceci dit, la parité, dans ce milieu qui a toujours été dominé par les hommes, est une lutte pour beaucoup de collectifs comme Laisse tomber les filles pour mettre en valeur le travail des femmes. L’idée est surtout de visibiliser et d’encourager les femmes dans cette industrie.
Nayra Palacios
La place des femmes dans l'industrie musicale
Ne laisse pas tomber les filles
©Zélie Nervet Lansoud Soukate