Le verre réutilisable, (presque) nouveau contenant alimentaire ?
Depuis 2019, Haut la Consigne tâche de remettre les contenants réutilisables au goût du jour. Cette start-up roubaisienne est partie d’un constat simple : la production de verre pollue. En réutilisant les bouteilles de bière et autres contenants en verre, on réduit alors drastiquement l’impact écologique des emballages alimentaires.
Rencontrée dans leurs locaux, situés au Village by CA à EuraTechnologies, Florence Duriez, une des fondatrices de la start-up industrielle, raconte sa motivation derrière le projet. Ayant entamée sa « transition écologique » avant la création de l’entreprise, elle explique qu’une nouvelle manière d’utiliser les contenants était dans la continuité de son nouveau mode de vie écologique. C’est une équipe de 8 personnes qui s’est lancée dans cette aventure. Leur but ? Aider les commerçants à choisir et utiliser des contenants en verre, qui sont ensuite récoltés, lavés, et réutilisés. En payant les bouteilles, les brasseurs financent ensuite le processus de lavage, dans le but de les réemployer.Une tradition perdue en France
En France, les bouteilles en verre réutilisées ont disparu dans les années 1990 pour être remplacées par un grand circuit de recyclage. L’utilisation d’emballages à usage unique permet, en effet, de distancer le lieu de production du point de vente, ce qui n’était pas le cas avec la consigne, qui demandait une proximité pour chaque point de collecte. Selon le Centre national d’information indépendante sur les déchets (CNIID), “ce ne sont pas des considérations environnementales, mais avant tout commerciales qui ont conduit à la disparition de la consigne pour la réutilisation, au profit des emballages à usage unique”. Chez nos voisins européens, cette tradition perdure pourtant encore aujourd’hui, et est l’inspiration derrière ce projet. Le verre est en effet un réel enjeu économique et écologique aujourd’hui : la production de ce dernier nécessite un certain type de sable, révélateur des « coûts cachés » du verre, dit Erwan, chargé de développement et d’animation Brasseurs et Producteurs de Haut la Consigne. La fabrication nécessite également une grande quantité d’énergie et de chaleur. Pour le recyclage du verre, il faut atteindre la barre des 1500°C, contre les 80°C nécessaires pour le lavage. « En lavant les bouteilles, on sauve 75% d’énergie, on va gagner 80% sur les émissions de gaz à effet de serre, et sauver entre 33% et 50% d’eau », affirme Florence Duriez, chargée du développement et des finances du projet Ramène ta bouteille.
La première mission de Haut la Consigne est donc d’accompagner les commerçants dans la sélection du bon contenant, de la bonne disposition des processus de récolte, et du choix de la bonne étiquette. Cette dernière est en effet un des bémols du processus de lavage : celles en papier se décomposent en résidus dans l’eau, tandis que celles en plastique restent intactes. « Nous sommes en train de réfléchir à un dispositif pour réutiliser les étiquettes après lavage », confie Florence Duriez.
Un réemploi qui a de l'ambition
Le centre de lavage des bouteilles se situe actuellement en Belgique. Même s’il en est affecté, l’impact écologique reste cependant plus positif que le recyclage du verre : « La raison d’être de Haut la Consigne, le réemploi des bouteilles, c’est pour diminuer notre impact environnemental. Tout ce que l’on fait, c’est en le mesurant et en le vérifiant », dit Florence Duriez. C’est d’ailleurs en faisant une étude écologique et économique co-menée avec la brasserie Moulin d’Ascq que Haut la Consigne a commencé leur projet. Soutenue par l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) et la MEL (Métropole Européenne de Lille), l’entreprise va d’ailleurs ouvrir un centre de lavage début 2023 dans les Hauts-de-France, à Neuville-en-Ferrain, pour créer de l’emploi au niveau local.
Une des volontés de Haut la Consigne est notamment de créer une véritable filière pour harmoniser les formats de bouteille, et ce dans toute la France. C’est en coopérant avec des associations comme France Consigne, ou encore Le Fourgon, « une start-up qui réinvente la tournée du laitier en mode 2.0 », selon Florence Duriez, que l’entreprise souhaite avancer.
Avec 46 brasseurs partenaires et 200 000 bouteilles réemployées chaque année, la start-up ne compte pas s’arrêter là. L’objectif annoncé est d’atteindre 8 millions de bouteilles dans le cycle de réemploi, et de sortir des Hauts-de-France pour proposer des solutions dans l’hexagone.
Manon Lorant
Le verre : de trop ?
Le verre est employé depuis plusieurs centaines de milliers d’années. D’abord, sous forme d’obsidienne (verre naturel d’origine éruptive), l’humain a appris à en fabriquer. Sable, calcaire et carbonate de sodium (autrement appelé bicarbonate de soude) soumis à un procédé technique à haute température se consolident selon la forme choisie en un matériau dur, cassant et transparent : le verre qu’on connaît. En bonus, ses ingrédients sont abondants sur terre, sa fabrication est donc peu chère.
Il n’en a pas fallu moins aux industriels pour s’emparer de sa fabrication. Dans l’industrie, l’architecture, l’optique, le domaine hospitalier, la décoration : aujourd’hui l’emploi du verre s’est imposé partout ! Jusque dans nos assiettes et dans nos bières…
Mais le verre est dans le fruit : son omniprésence se conjugue à beaucoup de gâchis. Aujourd’hui chaque Français jette en moyenne 30 kilos de verre par an. Pour se débarrasser de ce trop plein de verre, bien que la France soit bonne élève de ce côté là puisqu’elle recycle près de trois bouteilles sur 4, le recyclage n’est pas une option optimale. Il implique de récolter-conduire-broyer-chaffer re-réchauffer le verre pour le remettre en forme. C’est un procédé coûteux en temps, en énergie et en argent, si bien que certains trouvent mieux leur compte à en fabriquer du neuf.
Quel problème s’ils sont « abondants » ? Ils ne le sont plus… Aujourd’hui soumis à une très forte demande certains s’amenuisent dangereusement : le sable par exemple est largement sur-exploité. Nous utilisons 50 milliards de tonnes de sable chaque année. C’est le double de la quantité produite par tous les fleuves du monde. D’autre part, il est l’enjeu de lutte de réelles mafias qui le volent, en dégradant les plages, le littoral et l’écosystème de centaines d’espèces au passage.
Enfin, et par-dessus tout, la dégradation du verre va de 4000 ans à 1 million d’années. Ce n’est donc pas une solution si écologique que cela en tant que telle, désolé à nos amis zéro-déchet. La solution reste à trouver. Certains semblent sur la voix.
A Haut-la-consigne, la réutilisation du verre répond au problème de la limitation de sa production. Dans la revue ScienceDirect, on apprend le 10 novembre 2022 qu’une équipe de chercheurs de l’université de New Delhi affirme avoir créé une alternative biodégradable et renouvelable au verre et au plastique : un « bois transparent ».
Bref aujourd’hui, il semble que la vérité ne se trouve plus au fond du verre. Serait elle au-delà ?
Myriam Mernissi