La lutte continue au cœur du théâtre Sébastopol
Le mouvement de désobéissance civile dans l’occupation des théâtres a commencé le 4 mars 2021 au Théâtre de l’Odéon à Paris. Plusieurs sites ont ensuite rejoint la lutte partout en France. Le théâtre du Nord, quant à lui, a débuté la mobilisation le 11 mars. Face aux décisions prises par le gouvernement, le théâtre Sébastopol décide de s’inscrire également dans cette lutte.
Depuis le mois d’octobre, le monde théâtral est au point mort. C’est dans ce climat de révolte que le mouvement des occupations a commencé. Pierre et d’autres interluttants partagent leurs opinions sur ces contestations.
Ils sont 15 à 20 personnes depuis début mars à occuper le théâtre Sébastopol et se surnomment les « interluttants ». Pierre est un comédien et musicien et a rejoint le mouvement. Il s’inscrit dans une position de force en compagnie d’autres intermittents, qui s’expriment tous sur le même propos : « On est dans un rapport terrible qui lamine l’humain. » Les intermittents du spectacle appellent à une prolongation de leurs droits. Ils tiennent également à rappeler leur liberté d’expression.
Au cœur d’une assemblée générale organisée au sein du théâtre, les intermittents s’accordent à dire que c’est une réelle déconstruction du lien social et du contact humain. Un jour de conférence de presse, les interluttants ont voulu faire passer leur message et veulent subvertir le gouvernement.
Lors de l’AG, un membre du mouvement s’exprime sur ce mode de lutte en mettant en avant le fait que l’occupation n’est pas « un but en soi ». Les artistes se retrouvent chaque samedi à 14 heures sur la place de la République pour manifester avec des artistes de spectacles de rues. Ils militent aussi contre des lois liberticides, comme la loi contre la sécurité globale. Les artistes pendant leur temps d’occupation, créent banderoles et des ateliers de marionnettes.
Un mouvement qui prend de l’ampleur
En mai 2020, Emmanuel Macron annonçait une année blanche dans le domaine de la culture. Cette mobilisation inédite n’est pas sectorielle mais beaucoup plus large. Malgré l’ampleur du mouvement, les artistes veulent accélérer le processus. Les comédiens veulent aussi rejoindre les cafés considérés comme des lieux culturels en prônant ce slogan « café en danger, culture en danger ». Alors que les mouvements s’intensifient dans toute la France, les protestations commencent à faire des émules dans les pays autour. En effet, la Belgique, notamment le théâtre royal de la Monnaie, et l’Espagne, prennent exemple sur la France et débutent à leur tour le mouvement. Il y également des étudiants qui rejoignent le mouvement. Cet engagement étudiant se révèle être « vivifiant et essentiel » pour les intermittents.
Alors que le secteur de la culture est bouché depuis le mois d’octobre, la désobéissance civile ne fait que de s’accroître à travers la France. Les interluttants du théâtre Sébastopol se montrent motivés à continuer leur lutte ainsi que d’autres villes en France. A l’international, d’autres villes commencent à s’engager petit à petit.
Sarah Leroy
ZOOM : la désobéissance civile à travers l’Histoire
La désobéissance civile est une forme de contestation pacifique qui vise à refuser d’obéir à une loi dans un but de la dénoncer. Théorisée au milieu du XIXe siècle par le philosophe américain Henry David Thoreau, elle s’inscrit depuis l’Antiquité dans les plus grands mouvements contestataires.
C’est dans la mythologie grecque que l’on peut retrouver la première trace de désobéissance civile avec le mythe d’Antigone où une jeune femme cherche à offrir une sépulture décente à son frère malgré l’interdiction du roi. La littérature s’est emparée de cette question avec le fameux conte Robin des bois au XIVe siècle où un héros tente illégalement de rétablir une « justice sociale » en « volant aux riches pour donner aux pauvres ».
La désobéissance civile a aussi été un moyen de lutter contre un oppresseur. En Inde dans la première moitié du XXe siècle, Gandhi, lutte contre la colonisation en occupant des usines de sel symboles de l’oppression britannique. Dans les années 1950 et 1960, le Mouvement des Droits Civiques aux Etats-Unis utilise aussi la désobéissance civile pour lutter contre la ségrégation raciale. Rosa Parks une femme afro-américaine qui refuse de laisser sa place à une personne blanche dans le bus comme la loi en vigueur à l’époque le préconisait en est le symbole.
En France aussi certaines avancées sociétales ont été acquises par cette forme de contestation. En 1971, le « manifeste des 343 » est une tribune qui regroupe 343 femmes dont certaines personnalités publiques déclarant s’être fait avorter tandis que cette pratique était illégale. Ce manifeste ouvrira un débat qui conduira à la légalisation de l’IVG quatre ans plus tard.
Plus récemment, la désobéissance civile sert à des groupes militants pour sensibiliser à des causes. L’ONG Greenpeace ou le mouvement Extinction Rebellion défendent par exemple la cause climatique à travers des actions illégales fortes dans le but d’alerter et de donner de la visibilité aux problèmes qu’ils dénoncent.
Lino Prestimonaco
VIDÉO : À la rencontre des interluttants du théâtre Sébastopol
Cioran MILLOT-BASTOUL